La tapisserie
Il y a cent ans, le 22 novembre 1918, le Roi Albert Ier entrait dans la ville de Bruxelles libérée. Son discours historique devant les Chambres réunies annonçait, après quatre années de guerre, une ère nouvelle. Un gouvernement d'Union nationale allait mettre en oeuvre de grandes réformes sociales. Le suffrage universel pur et simple pour les hommes est devenu réalité.
Le Sénat commémore cet événement à partir de l'automne 2018 avec une exposition interactive en ligne et une exposition artistique unique dans sa majestueuse salle de lecture. Le centre d'attraction est une exceptionnelle tapisserie du Sénat, « Le retour victorieux du Roi Albert à la tête de ses troupes à Bruxelles le 22 novembre ».
Elle représente le Roi Albert Ier à cheval, inspectant ses troupes devant le Palais de la Nation le 22 novembre 1918. Il est entouré de sa famille et de commandants militaires. La population l'acclame. Depuis les balcons du Palais de la Nation, les parlementaires et autres décideurs politiques ne perdent rien de la scène.
De par sa thématique captivante et sa technique spécifique, cette oeuvre d'art est un incontournable tant pour les amateurs d'art que pour les personnes intéressées par l'histoire.
L'histoire de cette tapisserie commence en 1934. Le 17 février de cette année-là, le Roi Albert Ier décède accidentellement à Marche-les-Dames. Le Sénat décide de commander une tapisserie pour rendre hommage au souverain décédé.
Anto-Carte (Mons, 1886 – Ixelles, 1954) est chargé de concevoir le carton. Le talent pictural de cet artiste symboliste et expressionniste est déjà reconnu internationalement depuis les années 1920. Fondateur du groupe d'artistes Nervia (l'équivalent wallon de l'École de Laethem-Saint-Martin) en 1929, il enseigne la peinture monumentale dans ce qui était alors l'Institut supérieur des arts décoratifs de La Cambre.
Anto-Carte réalise ce carton complexe, tant sur le plan historique que sur le plan symbolique, en quatre mois à peine. C'est à la Manufacture Gaspard De Wit, de Malines, que revient l'honneur de tisser la tapisserie monumentale. L'atelier de tapisserie accomplit cette performance en sept mois. La livraison de la tapisserie au Sénat, le 18 juillet 1935, contribue même dans une certaine mesure au renouveau de l'art de la tapisserie belge.
Dès cet automne, le grand public pourra venir admirer cette pièce maîtresse dans le cadre magnifique du Sénat. La tapisserie racontera aussi en ligne quelques fragments de l'histoire de la libération. Le Sénat a également conçu une exposition virtuelle, en partenariat avec le War Heritage Institute (l'ancien Musée royal de l'Armée et d'Histoire militaire). Le visiteur pourra en quelque sorte interroger la tapisserie à l'aide de cette application internet. Les multiples personnages de la tapisserie lui offrent la possibilité d’approcher les événements et les rapports de force de la nouvelle Belgique de l’après-guerre sous des angles différents. Des documents issus des archives du Sénat ainsi que d’autres images historiques rendent de manière passionnante les rapports de force de cette période de transition chaotique vers une nouvelle ère de l’histoire de la Belgique. Le visiteur est mis au défi de réfléchir à leur actualité. Tant les archives du Sénat de Belgique que sa collection d'art sont restées, jusqu'à ce jour, un secret bien gardé. « Les couleurs de la libération », l'exposition virtuelle et in situ, lève un coin du voile.